

Où est le vrai Julien Green ?
"6 août 1931. - Je me souviens qu'autrefois, dans mes rêveries de la quinzième année, j'imaginais qu'un bon livre était le résultat d'un jeu de hasard. L'auteur déposait des myriades de mots comme on remue des grains de sable, et sans cesse il en changeait l'ordre, jusqu'au moment où par miracle il obtenait un certain ordre et du même coup Le Rouge et le Noir ou Esther. J'étais obsédé par l'idée que tous les livres possibles sont dans le Dictionnaire de la langue, et qu'il su


L'Affaire Dreyfus au jour le jour : l'année 1894
Avant-propos Les dimensions de plus en plus importantes, au fur et à mesure des textes collectés et des dates renseignées, que la chronologie de l'Affaire Dreyfus est vouée à prendre me contraint à adopter une présentation par tranches. Tranches annuelles pour l'instant, plus fines peut-être, lorsqu'il faudra aborder la grande année 1898. Cet assemblage brut de dates et de citations ne peut être que le complément apporté à la lecture d'un ouvrage de synthèse sur l'Affaire pré


L'Affaire Dreyfus au jour le jour - Paradoxes
L’Affaire Dreyfus est une affaire de justice, justice militaire et justice civile : un arrêt du conseil de guerre de Paris l’inaugura, un arrêt de la Cour de cassation la termina et la termina si bien qu’aujourd’hui vérité judiciaire et vérité historique coïncident en cet arrêt. Elle divisa des militaires et des magistrats, aussi bien dans leurs personnes que dans les décisions qu’ils furent conduit à prendre, elle opposa Justice et Armée. Et pourtant aucun ouvrage n’a été co


"Je refuse l'héritage en bloc..." (C. Péguy)
"L'homme d'il y a deux-cents ou trois-cents ans dont je descend en droite ligne et dont je suis peut-être l'exacte imagerie vivante était sans doute un misérable bûcheron de la forêt d'Orléans ou des forêts du Bourbonnais. Peut-être était-il assez heureux pour être un peu cultivateur et vigneron. Sans aucun doute il était misérable, très misérable, très malheureux de corps et d'âme. Je ne sais pas bien quels sentiments il avait. Je ne sais pas même s'il avait ce que nous nomm


"De mon oeuvre, rien ne restera" (H. de Montherlant)
"De mon oeuvre, rien ne restera, on y mettra trop de vigilance : mon nom sera martelé comme le nom de Malatesta sur les monuments de Pesaro ; comme l’armée de Pompée, les serpents effaceront la trace de mes pas. Tout est très bien ainsi. J’ai été un homme de plaisir d’abord, ensuite un créateur littéraire, et ensuite rien. Le plaisir est pris ; les oeuvres, c’est pour le faire plaisir aussi que je les faisais, et ce plaisir lui aussi est pris. C’est pour quoi tout est très bi


"L'être le plus immonde..." 5
“L'immortalité de l'âme est une chose qui nous importe si fort, qui nous touche si profondément, qu'il faut avoir perdu tout sentiment pour être dans l'indifférence de savoir ce qui en est (...) Je ne puis avoir que de la compassion pour ceux qui gémissent sincèrement dans ce doute, qui le regardent comme le dernier des malheurs, et qui, n'épargnant rien pour en sortir, font de cette recherche leur principale et leur plus sérieuse occupation (...). Mais pour ceux qui passent


"L'être le plus immonde..." 4
Pour exprimer le dégoût que lui inspire Léautaud, Proust use d’un registre d’indignation morale qui rend sa réaction au mieux incompréhensible, au pire odieusement et hypocritement pharisienne. Comment en effet celui qui s’est plu à imaginer des créatures aussi subtilement abjectes que Jupien et Morel, qui a mis en scène des rituels érotiques aussi pervers, aussi putrides, que ceux qu’il fait suivre à Mlle Vinteuil et à son amante, peut-il se permettre de juger “infâme” ou “i


Mme de Sévigné par Jean Cocteau : la seule manière de ne rien dire..."
Si madame de Sévigné avait eu de l'intelligence ailleurs que dans sa plume, elle aurait laissé le plus extraordinaire témoignage sur une époque. On rêverait de mettre une pareille plume-fée au service des choses qui en valent la peine (...). Sa manière de dire donne de l'intérêt à ce qu'elle dit et cela aux antipodes des écrivains chez lesquels la manière de dire cache la platitude de ce qu'ils disent. Et l'étrange est chez elle que la manière de dire ne cache rien, parce qu'


"Et des luttes les plus vives, rien ne subsiste" 2
“Chaque année nouvelle détruit jusqu’au souvenir de la précédente”. Cette conclusion désabusée d'un journaliste inconnu m’amène à clarifier le terme sous lequel je regroupe et unifie la plupart des chroniques de ce site : qu’est-ce qui est inactuel ? Quelle différence entre ce qui est inactuel, ce qui est passé et ce qui est oublié ? L’inactuel, selon moi, c’est cette part du passé qui résonne avec l’actualité, qui la contredit ou bien qui la confirme, la rappelle ou l’abolit