
Une plaque commémorative nous rappelle que “dans cet immeuble vécut de 1936 jusqu’à la seconde guerre mondiale Marc Bloch (1886-1944), historien français, fondateur des Annales d’Histoire économique et sociale, résistant exécuté par les nazis, mort pour la France.”
Le 17, rue de Sèvres referme sur elle-même la partie paisible et laborieuse de la vie de Marc Bloch, celle qui coïncide avec une assez heureuse carrière universitaire que seuls ont gâché des échecs répétés au Collège de France.
Le 1er octobre 1919, Marc Bloch est nommé maître de conférences à l’université de Strasbourg. il a alors 33 ans. Huit ans après, le 1er janvier 1927, il obtient, dans cette même faculté la chaire d’histoire du Moyen-Age. Cette période strasbourgeoise s’achève à la rentrée universitaire 1936-1937. Le 18 mai 1936, il est élu à la faculté des lettres de Paris par ses pairs de la Sorbonne pour y occuper, à partir d’octobre, la chaire d’histoire économique. Il enseignera également à l’ENS de Saint-Cloud et à celle de Fontenay-aux-Roses. C’est donc en prévision d‘une carrière appelée à se dérouler désormais dans la région parisienne qu’en août 1936, il s’installe avec sa famille au 17, rue de Sèvres.

L’été 1939 voit cette vie tranquille basculer irréversiblement. Comme toutes les années, M. Bloch était en train de passer les vacances universitaires dans sa maison de campagne de la Creuse (à Fougères, près de Guéret).
La guerre éclate et Marc Bloch, qui est patriote, demande, immédiatement, soit le 24 août 1939, à être mobilisél rejoint son lieu d’affectation à Strasbourg. Commence alors cette drôle de guerre dont il va faire le récit. Mais, en juin 1940, c’est la débâcle ; sa famille, quittant Paris, se réfugie dans la maison de Fougères où M. Bloch réussit à la rejoindre. De sorte que c’est à Fougères qu’il rédigera L’Etrange Défaite.
C’en est fini pour lui, désormais, de Paris où il ne fera plus que de brefs passages (en décembre 1940, août 1941 et au cours de l’année 1943). La ville, outre qu’elle fait partie de la zone occupée, lui est en outre fermée sur le plan professionnel car sa qualité de juif lui a valu d’être exclu de la Sorbonne. En même temps, il fait partie de la vingtaine de personnalités juives pour lesquelles il fut dérogé aux interdictions professionnelles édictées par le statut des juifs : c’est ainsi que, le 24 octobre 1940, il est mis à la disposition de l’Université de Strasbourg repliée à Clermont-Ferrand, cette dernière ville devenant son lieu de résidence administratif. Affecté ensuite à la faculté des lettres de Montpellier, le 15 juillet 1941, il s’installe à Montpellier avec sa famille, en septembre, au 5 de la rue Sainte-Croix. Il y reste un peu plus d’un an. Lorsque les Allemands envahissent la zone Sud en novembre 1942, il quitte Montpellier, s’engage dans la Résistance et, pour cela, se “terre dans quelque coin de campagne”. En février 1944, appelé à assumer la direction de fait des Mouvements unis de Résistance de la région de Lyon, il installe ses bureaux à Lyon. C’est là qu’il sera arrêté par la Gestapo le 8 mars 1944. Interné et torturé à la prison de Montluc, il est fusillé le 16 juin suivant à Saint-Didier-de-Formans, avec 30 autres détenus.
La seconde partie de la vie de Marc Bloch, qui n’a duré que quatre ans, cette période troublée, tendue, errante, héroïque, s’est donc déroulée en dehors du tranquille immeuble bourgeois de la rue de Sèvres. Celui-ci n’aura hébergé et recueilli dans ses murs que le travail et le bonheur de l’homme privé et du chercheur. Qu’un peu de ce bonheur interrompu s’attache à lui encore...
Plusieurs années ensuite se passèrent pendant lesquelles ce bâtiment de style Art déco, orné de sgraffites, proche de l’hôtel Lutetia dont il abritait la piscine, n’attira l’attention de personne. Jusqu’au moment où la société Hermès décida d’implanter un espace commercial dans les locaux désaffectés de la piscine. L’événement fut fortement médiatisé : la piscine était classée au titre de la loi sur les monuments historiques et son ré-aménagement demanda beaucoup d’efforts de la part des décorateurs. L’architecte de l’immeuble, Lucien Béguet, n’en tira pas un surcroît de gloire car il fut qualifié d’ “illustre inconnu” par le journaliste du Monde qui rendit compte de l’événement. Il est vrai qu’on serait bien en peine de citer d’autres réalisations portant sa signature.

Sur la piscine elle-même, nous disposons de cette notice assez riche de Wikipédia qu’il n’est pas nécessaire de paraphraser :
“Cette piscine à vagues artificielles de 33 × 10 m a été construite en 1935 dans un groupe d'immeubles de 8 étages sur les plans de l'architecte Lucien Béguet. De style art déco, les sols étaient en granito et en émaux de Briare verts, tandis que les murs et l'entrée étaient décorés d'émaux de Briare bleus, noirs et or. À l'origine, elle servait de piscine privée à l'hôtel Lutetia voisin, avant que celui-ci ne soit réquisitionné par la Gestapo en 1940, lors de l'occupation de Paris. À la Libération, le général de Gaulle en a fait un centre d'accueil pour les rescapés des camps de concentration nazis. Puis elle devient une piscine publique. Fermée au public dans les années 1970, elle a ensuite accueilli diverses activités, servant notamment de dépôt pour la marque de vêtements Dorothée Bis pendant 20 ans, jusqu'en 1994. En 2005, Jean-Pierre Lecoq, maire du 6e arrondissement, a demandé au maire de Paris Bertrand Delanoë la réouverture de la piscine, en vain. Un arrêté signé le 5 décembre 2005 par le préfet d'Île-de-France, Christian Dors, a néanmoins inscrit l'édifice dans sa totalité au titre des monuments historiques. Elle abrite désormais, depuis novembre 2010, un concept store de la marque Hermès, qui ouvre ainsi son premier grand espace dédié au luxe sur la rive gauche parisienne. Le magasin occupe une surface de 1 500 mètres carrés.”
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