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"Horreur de vivre !..." (A. Daudet)


Jamais comme cette fois mes tristes nerfs n'avaient souffert de la promiscuité de l'hôtel. Voir manger mes voisins m’était odieux ; les bouches sans dents, les gencives malades, la pioche des cure-dents dans les molaires creuses, et ceux qui ne mangent que d'un côté, et ceux qui roulent leurs bouchées, et ceux qui ruminent, et les rongeurs, et les carnassiers ! Bestialité humaine ! Toutes ces mâchoires en fonction, ces yeux gloutons, hagards, ne quittant pas leurs assiettes, ces regards furieux au plat qui s'attarde, tout cela je le voyais, j'en avais la nausée, le dégoût de manger.

Et les digestions pénibles, les deux W.C. au fond du couloir, mitoyens, éclairés par le même bec de gaz, si bien qu'on entendait tous les “han…” de la constipation, l’esclaffement de l'abondance, et le froissement des papiers. Horreur... horreur de vivre ! (A. Daudet : La Doulou ; Mercure de France, 2007, p. 82-83).

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