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"Un grand ami de la vie"



Si l’on me permets de le dire, je me suis toujours fort intéressé à la vie. Je n'y vois rien d'indifférent. Depuis même que je suis vieux, rien de ce que je fais et de ce que je regarde ne me trouve blasé et froid. Il est vrai que je ne m'occupe guère désormais que de ce qui m'attire. Depuis surtout que les moments me sont devenus fort précieux, j'ai élagué une foule de soins et d'occupations qui nous prennent beaucoup d'heures ennuyeusement. Mais la plupart des devoirs, des travaux et des plaisirs qui me restent sont si simples, et cependant j'en suis encore si captivé, si amusé, si troublé dans l'occasion, que je me regarde comme un des hommes les moins détachés de l'existence que je connaisse. Comme j'ai peu d'illusions, comme je prévois en tout les mécomptes, comme je cherche à me résigner par avance pour n'avoir pas trop de peine à me résigner après coup, enfin comme j'ai réussi à faire abstraction d’une bonne partie des intérêts et des puérilités qui passionnent beaucoup de gens, on est peut-être fort loin de soupçonner la vivacité avec laquelle je prends encore part à toutes les choses qui pour moi remplissent l'existence ; mais je ne m'en crois pas moins le droit de dire que je suis un grand ami de la vie (C. de Rémusat, Mémoires de ma vie ; Plon, 1958, t. 1, p. XXVIII).

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