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"Avant, la vie était plus simple" (G. Duhamel)


Il me semble que la vie, si l'on s'en tient à des conjonctures analogues, était beaucoup plus simple en ce temps-là (les années 1890 à 1894), et par conséquent plus facile qu’en 1938, par exemple, c'est-à-dire à la veille de la Seconde Guerre mondiale. L’appareil législatif était beaucoup plus succinct, L'administration moins ramifiée, moins touffue, la bureaucratie modeste, la paperasserie raisonnable. Un citoyen de condition moyenne payait un impôt cinquante fois moins lourd que celui qu'il verse aujourd'hui pour des ressources équivalentes. Les plaisirs populaires étaient sans doute plus rares et plus ingénus, mais ils étaient plus vivement goûtés. Nous avions alors des remèdes moins nombreux et moins actifs, en revanche les causes de blessures ou de maladie étaient moins variées, moins offensives (...). L'appareil des lois sociales ne dispensait pas encore aux multitudes laborieuses cette protection dont nous pourrions tolérer l’agressive complexité si nous la sentions opérante.

Il est absolument vain de critiquer la marche d’un monde en proie à tous les délires, et je n’y perdrai pas mon temps. J'ai maintenant 58 ans sonnés. J'ai vu, pendant le demi-siècle où j'ai tenu les yeux grands ouverts, plus de transformations que le monde n'en a connu pendant deux millénaires. Il est inconfortable de vivre dans les remous d’une telle révolution, qu’on me permette de le dire. Et j'ajouterai, songeant aux misères de nos sociétés fiévreuses et me reportant à ce qu’était la vie difficile d’une famille pauvre, à la fin du siècle dernier : comme il faisait bon être malheureux en ce temps-là ! (G. Duhamel : Inventaire de l’abîme, 1941-1942 ; Paul Hartmann, p. 111).

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