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Propos de comptoir 2


La Stryge : Les trois amis sont à nouveau réunis. Evandre, qui est un bon citoyen, a participé au Grand Débat National. Les deux autres se sont contentés de lire la presse...

Nicias : - Guy Sorman dans le Point du 26 janvier vient d’écrire un article pas inintéressant sur les fractures introduites par l'économie de la connaissance et il émet quelques propositions.

Il y a dans le même numéro un article qui fait écho aux débats actuels sur une supposée démocratie directe, à travers l’évocation d’un essayiste américain, Walter Lippman, qui est un curieux mélange de libéralisme politique mâtiné d'interventionnisme en matière économique (ce qu'il appelle le dilemme de Burke). En matière politique, il développe en effet l'idée que le monde est devenu trop complexe pour que le citoyen ordinaire puisse donner un avis politique éclairé. La volonté générale (ce qu'il appelle le "public délibérant") n'existe pas. Des publics particuliers peuvent émerger de façon circonstancielle autour de causes particulières et choisir de "s'aligner" derrière tel ou tel représentant initié. Un anti Rousseau (ou Chouard) en quelque sorte. Dans la lignée de Burke, il ne réduit pas le "Peuple" au présent mais l'inscrit dans une continuité de culture : "The people is a community of the entire living population, and their predecessors and successors." Son livre Crépuscule des démocraties était dit-on apprécié de De Gaulle.


Evandre : - L'article de Sorman est intéressant, effectivement. Il a raison de rappeler que la crise a une dimension positive d'alerte, d'accouchement de solutions nouvelles. Encore faut-il en sortir. Il évoque un âge d'or (vu par les gilets jaunes) où " l'Etat garantissait l'égalité" : peut-être les années 50 à 70 ? Mais les inégalités sociales étaient pourtant bien présentes … Il prône la continuation du système redistributif : n'est-ce pas cela qu'il faut questionner ? C'est curieux : pour un libéral, il reste dans le modèle égalitaire / égalitariste. Il propose seulement de l'améliorer ...

Mais pourquoi cette obsession bien française de l'égalité ? Pourquoi donc faudrait-il que nous soyons tous égaux ? Nous ne le sommes ni par l'héritage génétique ni par le milieu familial ni par le talent ni par le courage ni par l'énergie ni par les autres qualités morales et de caractère. Pourquoi le système social et étatique devrait-il s'épuiser à corriger tout cela, en vain évidemment ? Et en quoi le fait de n'être pas égaux peut-il empêcher d'être heureux ?

Il faut mettre le paquet sur l'école primaire, ça sûrement.

Je me demande s'il ne surestime pas le rôle des diplômes pour la "réussite sociale" et le niveau ultérieur des revenus : en effet , il y a de nombreux contre-exemples de citoyens qui peuvent avoir de confortables revenus, armés de leur seul CAP : des métiers d'artisan de bouche et du BTP comme boucher-charcutier, boulanger-pâtissier, traiteur, plombier, électricien, couvreur, menuisier, etc. En outre, de nombreux ouvriers, intelligents et débrouillards, ont su créer leur entreprise et sont à la tête de PME florissantes, dans le bâtiment particulièrement. Des commerçants de détail, armés de leur seul bac, peuvent aussi se créer de bons revenus …

Quant au RMU : comment fixer son juste niveau ? Et le seuil à partir duquel on paierait l'impôt sur le revenu ? Ce n’est pas clair.


Nicias : - La richesse matérielle peut effectivement être atteinte par l'exercice de métiers manuels. L'affirmation de Sorman selon laquelle les métiers mondialisés sont très bien payés parce que rares vaut aussi pour beaucoup de métiers manuels. J'expérimente fréquemment leur rareté à la recherche de plombiers, d'électriciens qui veulent bien condescendre à répondre à mes appels et intervenir ... On sait bien que la formation professionnelle est insuffisante en France, mais c'est aussi question de culture (c'est plus chic de faire de la sociologie). Les Allemands plus pragmatiques n'ont pas ces préjugés et bénéficient d'un système beaucoup plus performant dans ce domaine.

L'âge d'or des années 50 était surtout celui des Trente Glorieuses où l'avenir portait une promesse d'amélioration de la condition matérielle de toutes les classes sociales : peu importait dans ce contexte les inégalités relatives entre elles à l'instant t. Enfin, Evandre, si tu lis bien l'article, la finalité est d'élargir par la formation la base des travailleurs bien rémunérés en les insérant pleinement dans l'économie de la connaissance, et non de maintenir éternellement par la redistribution un lumpen-salariat (situation actuelle qu'il présente comme une impasse). Simplement, il faut bien assurer la transition, et Sorman explique en conclusion que les Gilets jaunes actuels n'en verront pas le bénéfice. En matière d'éducation, les effets se mesurent en termes de générations (c'est comme pour le retraites). Enfin, la formation ne vise pas à l'égalitarisme mais à l'élévation du niveau général d'éducation, ce qui n'exclut nullement par ailleurs la sélection des meilleurs.

Pour la question du bonheur, tu as certainement raison, mais c'est une toute autre question qu'il serait prudent de laisser en dehors du champs du politique.


Admète : - J’ajouterais qu’un CAP de chaudronnier est sans doute plus rémunérateur à court terme qu'un DESS en sociologie de l'art, mais il n'impressionnera jamais personne et ne sera pas un bon argument de drague dans les cafés de nos grandes métropoles.

Jean Baechler distingue 3 sortes de biens que nous désirons tous posséder plus ou moins : le pouvoir, la richesse et le prestige.

Assurer l'égalité des richesses est une tâche coûteuse et infinie.

Tout le monde se rend compte que l'égalité des pouvoirs engendre la paralysie et personne ne la souhaite, ce qui n'a pas d'ailleurs beaucoup d'importance car avoir du pouvoir sur une personne procure autant de plaisir immédiat, sinon davantage, que d'en avoir sur 300.000.

Reste l'égalité de prestige : elle est inatteignable tout comme les 2 autres, mais tenter de s'en approcher a l'avantage de ne pas coûter cher en termes budgétaires. Le prestige, ce peut être de la simple visibilité, de la reconnaissance symbolique, la participation à un destin collectif. Napoléon, de Gaulle, mais également Jules Ferry se sont efforcés d'en jeter à pleines mains. Donner une égale fierté aux membres d'une nation, c'est là l'objet habituel du discours politique.

Il est étonnant de voir à quel point Macron s'emploie à faire l'inverse. Sorman pense que la crise actuelle n'est pas due à sa personne. Elle couvait peut-être avant lui mais il s'emploie à l'exacerber, d'une part en rangeant les appartenances collectives (partis, églises, nations, cultures, syndicats...) au rang de vieilleries dont il convient de se débarrasser car elles sont étrangères à la réussite individuelle, d'autre part en faisant se coller les unes aux autres les inégalités et les hiérarchies existantes. Ainsi serait-il juste, normal, rationnel, que les plus diplômés, les plus riches, les plus respectés, les plus puissants soient les mêmes personnes et qu'elles le demeurent jusqu'à ce qu'une mort définitive les fasse disparaître ; soit l'inverse du message évangélique.

Rien ne se réglera tant que restera au pouvoir cette incarnation du nihilisme contemporain qui a la naïveté de ne pas mentir et de ne porter aucun masque.


Nicias : - Ton tropisme anti-Macron n'ajoute rien à mon avis pour expliquer le phénomène qui vient de beaucoup plus loin. La montée de l'individualisme au détriment de la communauté politique (au sens aristotélicien) et ses effets dévastateurs sur la civilité me frappent également. Ce sont les puissants ressorts du nihilisme et c'est faire beaucoup d'honneur à Macron que de lui en attribuer une quelconque responsabilité et penser qu'il puisse en accélérer (ou inverser) le cours. Je te suis sur l'importance du capital symbolique et le besoin de reconnaissance, dont ne traite pas Sorman dans son article. Mais le sentiment de déclassement est étroitement lié à la marginalisation socio-économique. En identifier les cause permet donc d'espérer en traiter certains effets. On peut certes compenser un sentiment d'infériorité ou d'insécurité par l'exposition d'un récit mythologique (Napoléon, Ferry, mais aussi Hitler, Staline ...). Mais cela a souvent été très coûteux en vies humaines.

Enfin ta conclusion sur le message évangélique me surprend. Jésus n'affirme pas l'égalité des conditions humaines au plan des richesses (matérielles, symboliques, ou de pouvoir peut importe) mais dans le Royaume des Cieux : "Et vous, ne cherchez pas ce que vous mangerez ni ce que vous boirez et ne soyez pas inquiets... Recherchez plutôt le royaume de Dieu et [tout] cela vous sera donné en plus."


Admète : - Je ne dis pas que Macron est à l'origine de l'individualisme contemporain ni de la dissolution des communautés traditionnelles. C'est une évolution qui court depuis le XVIIIe siècle et les sociologues apparus au cours du siècle suivant se sont donné pour mission d'en décrire les effets (c'est tout le sujet du livre de Robert Nisbet : "La Tradition sociologique" : pour lui tous les sociologues du XIXe siècle, y compris Tocqueville, sont des nostalgiques du monde ancien et ils observent avec inquiétude les effets déstructurants de sa disparition : Guizot restait, lui, optimiste car il n'était pas sociologue mais historien). L'originalité de Macron c'est qu'il incarne avec force et brutalité les effets déstructurants ou dissolvants de cet individualisme moderne, sans chercher à les camoufler par de bonnes paroles ou par un discours un tant soit peu rassembleur et rassurant. Cela fait comme un effet vérité qui a réveillé tout le monde et a ouvert les yeux notamment à ceux qui n'ont rien à gagner et tout à perdre à cette évolution. Ils ont pris conscience de leur néant ou en tout cas qu'il ne sont rien aux yeux de Macron et de son monde. Je me rappelle avoir entendu Gaspard Koenig dire des électeurs de Trump qu'il n'y avait pas à se soucier d'eux car ils étaient vieux et allaient bientôt mourir : il suffisait d'attendre (lui-même n'a que 36 ans) et ensuite on mettrait à leur place des hispano-américains ou des chinois mieux adaptables. Koenig ne fait pas de politique, de sorte que le cynisme effarant de son propos est passé totalement inaperçu. Macron, lui, ne peut normalement pas se permettre une telle crudité de langage. Pourtant il se la permet. Je ne sais pas si c'est par inconscience, inexpérience, ou s'il fait exprès de désespérer ainsi, non plus Billancourt, mais Bagnoles de l'Orne (là où se situe le roman de Houellebecq). Donc je suis d'accord qu'il n'a rien inventé, rien créé mais il a rendu visible et a traduit en paroles claires une réalité désespérante que les autres hommes politiques s'efforçaient par prudence ou charité de cacher par des propos émollients ou optimistes. A la moitié des Français, Macron préfère asséner : "Pour vous, de toute façon, c'est no future et de toute façon c'est normal : vous êtes tellement nuls !".

Et j'en viens à l'Evangile. Il y a toujours eu des pauvres et des perdants. Mais on leur assurait qu'au Royaume des Cieux, ils seraient non pas, comme Macron en ce monde, des gagnants et des riches fanfaronnants et contents d'eux mais, plus simplement, qu'il seraient heureux. J'imagine à ces mots les ricanements et les haussements d'épaule des Macron, des Griveaux... Le macronisme ne se conçoit que sur un fond d'athéisme, de nihilisme, de vacuité spirituelle.

Enfin, je ne dis pas que les récits mythologiques se valent tous, qu'il nous en faut un et que le premier venu fera l'affaire. Entre Hitler et Gambetta, le choix me paraît tout de même large...


Evandre : Oui, très très juste. Emmanuel Macron agit comme un puissant produit décapant, comme quelqu’un qui décaperait un meuble ancien et vermoulu afin de repeindre le meuble et de le transformer en quelque chose de plus gai, par exemple ! Il reste le bois nu, à la fin. Et la fin des illusions rassurantes … la fin des récits positifs (PCF, syndicats orientés à gauche), l’affaiblissement des partis traditionnels et des syndicats, basés sur le système des adhérents, et qui s’est engagé bien avant son arrivée au pouvoir.

Les syndicats sont paumés et déstabilisés par les Gilets jaunes.

Mélenchon a perdu son récit de l'avénement du peuple, piqué par ces mêmes Gilets jaunes , et cherche à se raccrocher aux branches. La droite LR se cherche. Le RN engrange, mais pour faire quoi et avec qui ? Il reste la réalité sociale, nue, implacable, terrible comme la mort.

Ce n'est pas pour rien que les Gilets jaunes des manifs et ronds-points insistent tant sur la chaleur humaine, le bonheur d'être ensemble. Cependant, à leur manière, ils créent aussi de la destruction et sont de bons représentants du nihilisme ambiant : détruire d'abord, détruire le système parlementaire, la démocratie représentative, mettre à bas les élites et, à la place, le rêve de la démocratie directe, le mirage du RIC ...


Nicias : - De quoi parle-t-on ? D'individualisme ou des Gilets jaunes ? Je ne vois pas du tout en quoi les Gilets jaunes seraient spécifiquement affectés et auraient plus que d'autres tout à perdre dans cette évolution de notre société vers l'individualisme. Cette progression marque l'ensemble des sociétés occidentales et leur pose des problèmes qui dépassent largement le phénomène Gilet jaune.

Si on revient donc aux Gilets jaunes, ceux-ci sont confrontés à des problèmes qui sont plus spécifiques (en partie évoqués par Guy Sorman comme par Christophe Guilluy). A partir de là, de deux choses l'une, ou bien les Gilets jaunes ont un futur radieux, auquel cas on ne voit pas pourquoi ils auraient matière à s'alarmer. Ou bien ce n'est pas le cas, et alors, en quoi serait-ce faire preuve de cynisme que d'en faire le diagnostic et même de les en avertir ? Est-ce parce que cette évolution est désagréable qu'il faudrait la taire ? Ou condamner celui qui l'annonce. Cela me fait penser à la coutume consistant à tuer le porteur de mauvaises nouvelles. Sans doute faut-il rassurer, mais pas au point de conforter dans des illusions ou des impasses consolatrices mais destructrices.

En contrepoint de ta condamnation du cynisme de Macron, tu semble donc appeler de tes voeux quelqu'un qui "camouflerait" la vérité par de "bonnes paroles" ? C'est paradoxal. Car s'il faut travestir le fond pour "respecter" l'opinion, cela s'appelle lui mentir. La politique comme art de flatter l'opinion a trop longtemps été pratiquée pour ne pas conduire à la dévalorisation de la politique.

Pour le mythe, le spectre est peut-être large et je n'ai pas cité volontairement de Gaulle pour cette raison. Mais les conséquences funestes sont malheureusement et historiquement les plus fréquentes, d'où ma prudence à cet égard.


Admète : - Sur la personne de Macron, Dominique Schnapper a développé, sur le site https://www.francetvinfo.fr/ ce que de mon côté j'essaie d'exprimer. Seras-tu aussi sévère avec elle qu'avec moi ?

Sur le mensonge, alors oui, le mensonge, l'hypocrisie, sont des éléments nécessaires à la vie en société et à la vie de couple. Les vérités désagréables sont d'autant plus mauvaises à dire que, s'agissant des personnes, elles changent à tout moment et ne constituent souvent que des réactions émotives, provoquées par l'irritation et l'agacement. S'agissant de l'avenir des nations, cette fameuse vérité, personne ne peut prétendre la détenir.

Même le rapprochement que tu fais avec les médecins ne fonctionne pas. Si le diagnostic est celui d'une mort prochaine dans d'atroces souffrances, le médecin ne le dévoilera au patient que si celui-ci est apte à l'entendre ou le demande expressément et souvent il le dissimule ou l'édulcore parce qu'à la maladie mortelle il n'y a pas lieu d'ajouter la douleur morale. En tout cas, il se gardera d'être brutal. Son métier de médecin ne lui crée pas l'obligation de faire inutilement du mal à son malade.

Même Alceste ne se précipite pas pour dire à Oronte le peu d'estime qu'il a pour son sonnet. Il ne se résout à le faire qu'acculé par les questions d'Oronte. Encore se dit-il misanthrope et amoureux de la seule vérité. il ne prétend pas gouverner Oronte ni vouloir son bien.

Nous-mêmes avons eu à gérer des individus peu performants. Passions-nous notre temps à le leur dire dans les termes les plus crus et à leur en faire honte ?

Il faut distinguer entre le fond d'une politique et son habillage. Depuis 1983, le fond est le même d'un gouvernement à l'autre : c'est l'adaptation de la France à des contraintes toujours caractérisées comme extérieures et immaîtrisables d'un point de vue national. "Nous ne pouvons rien contre la concurrence extérieure, nous ne pouvons rien contre les mouvements de population extérieures, nous ne pouvons rien contre l'affaiblissement qui en résulte des nations européennes. Tout ce que nous pouvons faire, c'est, à titre individuel, tenter de sauver notre peau et s'en sortir le mieux possible. Tant mieux pour ceux qui y parviennent, tant pis pour les autres". Ces autres, ce sera le boulot des politiques que de les faire se tenir tranquilles, en les protégeant plus ou moins bien, selon les ressources dont on dispose, ou en les persuadant qu'au moins on en a l'intention. En tout cas, on s'efforce de ne les pousser ni à la révolte ni au suicide. L'on pourrait certes, à la manière des curés de l'ancien monde, leur prêcher la résignation mais à condition de leur laisser entrouvertes les portes du paradis. Si, comme Macron, Hollande, etc, l'on ne croit en rien, et qu'on est persuadé comme d'une vérité scientifique que le seul avenir du pays à la tête duquel on a décidé de se placer est de disparaître à terme, qu'il en est d'ailleurs de même de la civilisation européenne dans lequel ce pays jusqu'à présent a trouvé sa place, alors si la conviction que l'on a, c'est celle-ci, alors, mieux vaut la taire, car elle n'est ni belle ni bonne. Si on la proclame, il faut payer le prix du désespoir qu'elle ne peut que susciter. Et d'ailleurs quel intérêt à une telle proclamation ? Macron ne va pas transformer en banquiers d'affaire les artisans, commerçants ou agriculteurs de la Creuse ou de l'Indre-et-Loire. Leurs enfants, même mieux formés qu'il ne le sont, ne vont pas pour autant tous entrer à l'Essec, se remplir les poches à Singapour ni même profiter de l'ascenseur d'En Marche. N'est pas Benalla qui veut !

Philippe Bilger a posté un texte intéressant sur son blog qui s'appelle "la scandaleuse injustice du talent". Si un bon élève n'est préoccupé que de faire la démonstration d'un talent qu'au reste personne ne lui conteste, si l'avenir qu'il conçoit n'est prometteur qu'à des individualités "performantes" qui possèdent comme lui à la fois du talent, de la détermination et de la chance (et qui en outre sont prêtes, dans leur quête de jouissances matérielles ou narcissiques, à se déraciner de tout), si, en bref, il n'est bon qu'à incarner "la scandaleuse injustice du talent", alors, mieux vaut pour lui et son pays qu'il évite de faire de la politique et qu'il fasse tranquillement une petite carrière d'homme de lettres, comme Minc, Attali, BHL, A. Duhamel... Encore faut-il qu'il ait leur talent, ce qui n'est pas assuré.


Nicias : - Je partage en gros l'analyse de Dominique Schnapper sur les dérives de la démocratie "extrême". On voit bien que Macron en est la victime émissaire et non la cause. Mais on ne comprend pas bien lorsqu'elle explique la jalousie et la haine qu'elle engendre par la possibilité pour tous d'accéder au départ aux meilleurs positions dans une société hyper démocratique. Car précisément, dans une telle société, cet accès serait uniquement ou disons prioritairement dû à l'expression des talents individuels et non à des facteurs extérieurs objectifs (origines sociales, formation, chance, etc.). Donc guère contestables. La "scandaleuse injustice du talent" est un oxymore s'il s'agit d'un don naturel. C'est pourquoi la critique de gauche part du postulat que la sélection ne se fait pas principalement sur le talent dans une société démocratiquement imparfaite, pour laisser la possibilité d'en contester les critères de sélection. L'autre voie serait de contester la réalité même de ces talents au nom de la passion égalitaire qui ressortit fondamentalement à l'envie. Mais c'est moins avouable et moralement justifiable.

Sur le mensonge je n'ignore pas la tradition du mensonge utile qui traverse toute la pensée occidentale, y compris dans la sagesse populaire ("toute vérité n'est pas bonne à dire"). Tout d'abord tu dis, Admète, que j'ai pris l'exemple du médecin, mais précisément je ne l'ai pas pris, et cela de manière délibérée car il soulève en effet des questions qui mériteraient beaucoup de débat. Je ne pense pas non plus que les situations et les solutions envisagées dans la vie individuelle et personnelle soient forcément transposables telles quelles au niveau collectif. Ceci posé, le débat entre l'impératif catégorique de vérité (Saint Augustin, Kant) et la possibilité du mensonge utile (Platon, Constant) est vieux comme la philosophie. Au delà des oppositions, tous reconnaissent cependant le devoir de vérité (sauf peut-être Nietzsche) quitte à lui trouver des amodiations. Les casuistes étaient passés maîtres dans ce domaine. Si l'on se situe dans une optique utilitariste, c'est donc question d'appréciation sur le degré de vérité ou de mensonge qui peut être utile pour atteindre une fin jugée bonne. Pour ce qui me concerne, je constate simplement que d'une part le mensonge par omission sur des sujets majeurs (dette, retraites, immigration, travail et redistribution, formation) l'emporte sur le devoir de vérité depuis près de 40 ans. Et d'autre part, le mensonge n'est justifiable que lorsqu'il est justifié par une fin bonne, non lorsqu'il mène à une impasse. Nul ne détient la vérité dans ce domaine, et peut être nous différons sur le diagnostic. Mais les piètres performances de notre pays devraient nous interroger et ne justifient pas à mon avis que l'on se mette la tête dans le sable.


Evandre : J'ai lu, à mon tour, l'analyse de cette sociologue et son approche me semble éclairante : le fait qu'Emmanuel Macron n'ait pas franchi les épreuves initiatiques des autres hommes politiques, à la longue carrière et aux nombreux mandats, et donc n'ait pas " souffert ". Cela dit, ce côté homme nouveau était justement porté à son crédit lors de la campagne électorale … Le refus ou au moins la méfiance vis à vis des supériorités et des compétences, qui seraient, si j'ai bien compris, jugées humiliantes en démocratie : Emmanuel Macron trop jeune, trop beau , trop brillant… La haine démocratique qui en découle et qui le frappe.

Je reste stupéfait devant ce phénomène, dans le cas d'Emmanuel Macron, et je persiste à le trouver totalement démesuré : n'est-il pas simplement le bouc émissaire idéal, comme dit Nicias, pour toutes les frustrations accumulées dans les classes populaires et la classe moyenne-moyenne et inférieure : pouvoir d'achat, manque de gratifications symboliques, pannes de l'ascenseur social, etc. ?


Admète : - La thèse de Dominique Schnapper n'est pas seulement que les vilains Gilets jaunes sont jaloux du gentil Emmanuel. Macron parce qu'il est beau-riche-brillant et qu'ils enragent, eux qui sont laids, bêtes et pauvres, de se voir surplombés par un tel demi-dieu. Schnapper explique bien le caractère à la fois exceptionnel et structurel de la haine qu'il suscite, laquelle est la conséquence d'un mode d'organisation sociale se voulant purement méritocratique. Si une personne occupant une position dominante en tous points (à la fois richesse, pouvoir, prestige) attribue cette réussite à son seul mérite, inversement toutes celles qui auront échoué à obtenir une parcelle de tout cela devront en attribuer la cause, non pas à des circonstances extérieures (la malchance, le hasard de la naissance), mais à eux-mêmes et à leur manque de qualités personnelles. Un petit Macron, tapi à l'intérieur d'elles-mêmes, leur répétera implacablement : "Si tu as tout raté, c'est parce que tu es nul, nul, nul !" Accuser la Fortune et ses caprices, la société ou sa famille, est beaucoup moins humiliant et déprimant. Or Macron a encore récemment affirmé fièrement ne devoir sa réussite qu'à lui-même. Quand comprendra-t-il que la sagesse des monarchies était justement de n'attribuer le pouvoir suprême qu'au moins méritant des hommes, de mépriser la richesse, de n'accorder aux artistes qu'un peu de gloriole et d'estime et de ne vraiment honorer que la sainteté ?

Dans "Sérotonine", le personnage principal entreprend de parler vrai à un ami, agriculteur normand qui ne s'en sort pas. Voilà ce que ça donne :


"Tous les ans, tu as des centaines d'agriculteurs qui mettent la clé sous la porte (...) ou qui se tirent une balle. Le nombre d'agriculteurs a énormément baissé depuis 50 ans en France, mais il n'a pas encore suffisamment baissé. Il faut encore le diviser par deux ou trois pour arriver aux standards européens, aux standards du Danemark ou de la Hollande - enfin, j'en parle parce qu'on parlait des produits laitiers, pour les fruits ça serait le Maroc ou l'Espagne. Là il y a un peu plus de 60.000 éleveurs laitiers ; dans 15 ans, à mon avis, il en restera 20.000. Bref, ce qui se passe en ce moment avec l'agriculture en France, c'est un énorme plan social, le plus gros plan social à l' œuvre à l'heure actuelle, mais c'est un plan social secret, invisible, où les gens disparaissent individuellement, dans leur coin, sans jamais donner matière à un sujet pour BFM (...).

Une fois qu'on aura divisé le nombre d'agriculteurs par 3, une fois qu'on sera aux standards européens, on n’aura toujours pas gagné, on sera même au seuil de la défaite définitive, parce que là on sera vraiment en contact avec le marché mondial, et la bataille de la production mondiale on ne la gagnera pas.

Donc voilà, à mon avis c'est foutu, c'est vraiment foutu, alors moi ce que je te dis c'est d'essayer de t'en sortir à titre individuel, (...) déménage, revends la ferme, oublie tout le truc absolument, si tu t'y prends tout de suite tu as encore une petite chance de recommencer ta vie".


Après quoi, le type ne recommence rien du tout, il se tire une balle dans la tête. Et encore est-ce un discours tenu avec affection qu'il vient d'entendre.


Nicias : - Eh bien dans ce cas, Admète, dis à ton personnage qui se sent frustré dans l'accomplissement de son génie de rentrer en lui-même, plutôt que d'écouter son petit macron intérieur, et de cesser de poursuivre des chimères en voulant être ce qu'il n'est pas. Si j'étais son confesseur, je lui dirai : "Mon fils, vous faites fausse route. Vous pêchez doublement, par orgueil car vous n'avez pas l'humilité de vous accepter tel que vous êtes , et par envie car vous passer votre temps à vous comparer et à être fasciné par le pouvoir et la richesse. Au lieu de perdre votre temps à poursuivre des passions vaines et ne vivre que par procuration en fonction de modèles cherchez votre propre route. Et appliquez la maxime d'Epictète : “Il ne dépend pas de toi d’être riche, mais il dépend de toi d’être heureux”. Ou celle de Marc-Aurèle : « aime le lot qui t’est attribué : en effet la nature te l’apportait, comme elle t’apportait à lui. ». Mais je reconnais que l'application d'un peu de sagesse chrétienne ou stoïcienne est de plus en plus difficile dans un monde d'affirmation prométhéenne de la primauté de l'individu, de l'accomplissement de ses désirs, jusque maintenant dans des domaines réputés régis par la seule nature tels que le sexe, la reproduction, les capacités physiques et intellectuelles, etc. Oui la nature humaine comporte des limites, et elles ne sont pas les mêmes pour tous.

Et à l'agriculteur de Sérotonine, explique lui ceci : il n'y a plus de canuts, il n'y a plus de cochers, il n'y a plus de protes, il n'y a plus de gardes barrière, il n'y a plus de rémouleur, il n'y a plus de mineurs, il n'y a plus de garde champêtre. Alors peut-être un jour n'y aura-t-il plus d'agriculteurs, de conducteurs de trains ou de pilotes d'avion. Comme disait Pompidou, la charrette à cheval c'était bien sympathique, mais le TGV c'est plus pratique. Là aussi, un peu de sagesse est nécessaire pour comprendre et accepter que Πάντα ῥεῖ : la vie est faite de changements, et c'est aussi ce qui fait son sel et dans certains cas aussi, permet d'améliorer le sort des humains. Mais là encore, l'individualisme triomphant laisse à penser que le mal ne vient que de méchants qui veulent contrer la légitime affirmation des droits de l'individu à arrêter le cours du temps et à rester éternellement ce qu'il est.


Evandre : Oui, cela rejoint mes modestes réflexions sur les conditions du bonheur. Rentrons en nous-mêmes. Cessons de nous comparer aux autres. Acceptons nos limites. Abandonnons la colère, qui nous rend inutilement malheureux , les passions vaines (y compris politiques) et les modèles impossibles à rejoindre. Prenons nos distances par rapport au blabla médiatique omniprésent, qui n'est plus que polémique permanente. Acceptons les frustrations liées au fait qu'on ne peut tout acheter. Trouvons notre propre voie.


Admète : - En repensant à ce que j'ai dit tout à l’heure, je m'aperçois que j'ai exclu, sans y prendre garde, de ma tripartition fonctionnelle tant la noblesse d'épée que le clergé. J'ai procédé à ma distribution des biens de ce monde en les réservant à un cercle bourgeois, tout en prescrivant aux membres de ce cercle de raser les murs et de se faire plus médiocres qu'ils ne sont, afin d'éviter d'attirer sur eux une attention qui sera forcément jalouse. Mais comment éviter la jalousie dans une démocratie bourgeoise où n'importe qui peut se dire "Pourquoi pas moi ?" (c'est le titre de l'autobiographie de Jimmy Carter dans laquelle celui-ci raconte comment, tout minable qu'il était, il s'est senti néanmoins légitime pour viser la présidence du plus puissant pays du monde) ?

Je garde toujours en tête la phrase de Hobbes : "La nature a fait les hommes si égaux quant aux facultés du corps et de l'esprit que, bien qu'on puisse parfois trouver un homme manifestement plus fort, corporellement, ou d'un esprit plus prompt qu'un autre, néanmoins, tout bien considéré, la différence d'un homme à un autre n'est pas si considérable qu'un homme puisse de ce chef réclamer pour lui-même un avantage auquel un autre ne puisse prétendre".


Nicias : - J'aime bien cette citation de Hobbes et la comparaison est sans doute dans l'essence même de la nature humaine comme il le relève justement, du fait de sa commune humanité. D'ailleurs, l'égalité est en germe dans la conception chrétienne de la nature humaine (le prochain), même si celle-ci n'est aucunement d'ordre matériel (rends à César). Il est vrai cependant que cette conception de l'unicité de la nature humaine, après avoir été mise en cause par les théories raciales, est aujourd'hui battue en brèche par la nouvelle secte des anti-spécistes. Il est sans doute vrai aussi, comme l'avait bien vu Tocqueville, que cette unicité et comparabilité ne peut être que renforcée dans une société démocratique et bourgeoise qui fonde plus (en théorie sinon en réalité) les différences sur le mérite que sur l'origine, la race, la caste, etc. C'est le côté positif de la médaille individualiste, son revers étant le sentiment d'une équivalence abstraite des individus quels que soient leur talents et leurs différences. Mais il est frappant de constater dans ce paysage général propre à l'Occident (au sens culturel et non géographique) que la France est marquée par une idiosyncrasie du fait de sa passion de l'égalité, qui transforme ce qui peut-être au départ une légitime ambition, en jalousie, contestation irraisonnée des élites, et finalement en bêtise.


Evandre : - La passion française pour l'égalité a une intensité particulière, dans les propos des citoyens et les discours des politiques. Elle me semble excessive. Elle inspire, en tout cas, notre énorme système d'aides sociales et notre système fiscal (ISF, IR progressif, impôt sur les successions progressif, prise en compte des revenus dans les impôts locaux, etc.). Du coup, la logique redistributive et ses excès évidents n'est discutée par à peu près personne, de la droite à la gauche. Il y avait quelques penseurs libéraux mais qu'on entend moins. Je me demande d'où vient cette obsession française de l'égalité, qui ne semble répandue ni en Grande Bretagne ni en Allemagne, par exemple. Tout nous viendrait vraiment de 89 ? ou de bien avant encore ?


Admète : - S'agissant de la limite entre l'ambition et la bêtise, elle est difficilement discernable dans le cas de Jimmy Carter. Mais quand je souhaiterais davantage de modestie ou d'humilité des classes dirigeantes, je ne pense pas aux Etats-Unis que je connais trop mal. En s'en tenant à la France, on trouve en toute époque de la morgue ou de la vanité "en haut", de l'envie et du ressentiment "en bas".

Je n'aime pas la notion de mérite car elle justifie par une sorte de morale égalitaire une hiérarchie discutable comme le sont par nature toutes les hiérarchies sociales. Le mérite semble englober le travail et l'effort qui sont alors présentés comme des activités vertueuses à la portée de tout le monde. Mais le travail n'est payant et valorisant que s'il excède celui que par nécessité tout le monde est prêt à fournir. Et il faut en outre qu'il soit récompensé par des résultats meilleurs que celui atteints par le voisin ou le concurrent. Or ce ne sera jamais la somme de travail fournie qui fera la différence, ce sera un mixte de talent, de chance, de caractère, toutes grâces inégalement distribuées... Tant mieux pour celui qui aura bénéficié de toutes ces grâces mais il n'a pas à en tirer fierté ni à s'en faire une vertu. Il n'a pas intérêt à s'en vanter devant son petit camarade, moins doué ou moins débrouillard et que son travail n'aura pas récompensé dans les mêmes proportions. Picasso a énormément travaillé pendant toute sa vie mais quel mérite a t-il eu ? Plus il peignait, plus il recueillait des applaudissements. Du moins ne donna-t-il à personne des leçons de morale et ne balançait-il pas des "petites phrases" blessantes quand il croisait par hasard un vieux rapin n'ayant pas aussi bien réussi que lui.

Finalement je rejoins le pessimisme d’Evandre : Emmanuel Macron ne tire aucune leçon utile des événements et ce sera pareil à l'issue du Débat dont il ne tire pour l'instant que des plaisirs de bateleur de foire. Ce n'est pas pour rien que pour illustrer la scandaleuse injustice du talent", Bilger évoque BHL et Raphaël Enthoven, qui sont aussi détestés l'un que l'autre : ce talent avec lequel ils paradent, et qui leur permet de triompher d'un Chouard ou d'un Consigny, se réduit à une facilité d'élocution supérieure. Raymond Aron avait aussi de la facilité d'élocution mais il ne s'en servait pas pour faire des numéros de cirque. Tout le monde ne l'aimait pas mais tout le monde le respectait et il n'exaspérait personne. Une des rares fois où il s'est montré féroce, c'est quand il s'est trouvé lui-même exaspéré par un Alain Touraine jouant les "toréadors" lors de sa soutenance de thèse, ainsi qu'il le raconte dans ses Mémoires.


Nicias : - Picasso n'avait pas de mérite, puisqu'il avait du génie. En effet si le mérite se réduit au travail, le tâcheron est celui qui a le plus de mérite. Donc, quelle que soit la façon dont on qualifie le fait de sortir du lot, mérite, talents, génie, cela ne se réduit pas au travail. C'est vrai qu'il est plus justifié de se glorifier de son travail que de talents reçus gratuitement, d'une "grâce efficace" pour laquelle on n'est pour rien. Mais ce n'est pas aussi réducteur et la réussite est souvent la conjonction des deux.

Concernant l'origine de la passion de l'égalité sur laquelle s'interroge Evandre, elle a surement à voir avec la "grande" Révolution. L'appartenance à des ordres et des corporations dans l'Ancien Régime limitait le désir de comparaison au sein de ces corps.


Evandre : Sur la personnalité de notre Président , je suis bien d'accord avec Admète : certains de ses traits de caractère font problème, depuis le début du quinquennat . Cela dit, en matière de propos inadaptés, Trump fait bien pire dans ses tweets insultants mais ce n'est pas un modèle …

L'idée de Nicias sur les ordres et corporations dans l'Ancien Régime, qui limitaient le désir de comparaison, est intéressante

D'ailleurs, je me souviens des années 70 : de façon un peu comparable , les choses se passaient "mieux" en France quand le PCF était puissant et encadrait-guidait les masses populaires. Le PCF proposait ses organisations de jeunes, son quotidien , ses magazines, des fêtes, des bals populaires, des camps de vacance, un avenir aux classes populaires, un horizon, une explication globale de la société. Il y avait aussi, à l'époque, une authentique fierté d'être prolétaire et chacun pouvait se sentir bien à sa place. Maintenant, il n'y a plus qu'une sorte de honte et de rancoeur à n'avoir pas assez d'argent …


Nicias : - Dans le genre bien senti, voici quelques citations de Raymond Aron dans le dernier numéro du Point qui lui est consacré, avec une interview de sa fille Dominique Schnapper :


"En réalité je suis essentiellement un anti-révolutionnaire car comme beaucoup d'hommes de ma génération, comme beaucoup d'hommes du 20e siècle, comme Soljénitsyne, je crois après l'expérience de tant de révolution que les révolutions coûtent très cher et finalement causent plus de mal que de bien et que rares sont les circonstances où la violence révolutionnaire guérit les mots qu'elle veut guérir."


"J'ai eu tendance souvent à penser que l'ignorance et la bêtise sont les facteurs considérables de l'histoire. Et souvent je dis que le dernier livre que je voudrais écrire vers la fin porterait sur le rôle de la bêtise dans l'histoire."


"La morale du citoyen c'est de mettre au-dessus de tout la survie, la sécurité de la collectivité. Mais si la morale les Occidentaux est maintenant la morale du plaisir, du bonheur des individus, et non pas la vertu du citoyen, alors la survie est en question."


“Nos libertés se définissent à la fois grâce à l'état et contre lui. Les libertés des individus ont été pendant des siècles conçues comme des résistance aux abus de l'État, des limites à sa toute-puissance, mais simultanément, dans les sociétés dans lesquelles nous vivons, nous attendons de l'État la garantie de certaines de nos libertés. La condition c'est que l'État soit de type démocratique, c'est-à-dire qu'il ne soit pas un état partisan et qu'il ne se confonde ni avec une religion ni avec une idéologie."


Evandre : - Belle netteté de pensée et de style d'Aron ! Petite nuance : le citoyen de droite contemporain peut être, simultanément, conservateur sur la plupart des sujets ET progressiste sur quelques-uns, libéral pour l'Etat et l'économie ET attaché à l'Etat, à la puissance publique (héritage historique). Je ne dois pas être le seul car on retrouve cette idéologie hybride chez les Républicains. N'est-ce pas ce qui explique les résultats mitigés des gouvernements de droite en France ?

Il me semble que c'est le goût de l'ordre qui sépare le plus nettement gauche et droite, actuellement. Mais je n'oublie pas qu'il existe une droite révolutionnaire …

Enfin, je me disais ceci : n'aurions-nous pas une bien plus grande tranquillité d'esprit si nous nous bornions strictement à voter ?

Nous nous désintéresserions de la vie politique et sociale et nous laisserions nos dirigeants s'échiner à gouverner un pays plus que jamais instable et colérique.

Les répercussions directes et concrètes, sur notre vie, des décisions gouvernementales resteraient, de toute façon, assez limitées et jamais vitales (80 km/h, fiscalité, grèves, sur la période récente).

Et nous retournerions voter tranquillement, cinq ans plus tard, pour le candidat Président et le candidat député de notre parti préféré, toujours le même (c'est bien ce qui se passe en réalité : LREM ne sera qu'une parenthèse)

Cela suppose de se débrancher des médias et de n'ouvrir son PC que pour sa messagerie, ses comptes et ses forums préférés, spécialement ceux qui ne sont pas politiques.


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